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vendredi 17 février 2012

homicide sur la personne de Sa Majesté Élisabeth Amélie Eugénie, Impératrice d’Autriche



 
EXTRAIT DE L’ACTE D’ACCUSATION

Voici un extrait de l’acte d’accusation



Le Procureur Général expose que par ordonnance en date du 22 octobre 1898, la chambre d’Instruction de la République et Canton de Genève, a renvoyé par devant la Cour de Justice Criminelle siégeant avec le concours du jury puisse être jugé le nommé Lucheni Luigi, né à Paris, en Avril 1873, fils de Louise Lucheni, manœuvre italien, actuellement détenu.
Comme accusé : d’avoir le 10 septembre 1898, à Genève, volontairement commis homicide sur la personne de Sa Majesté Élisabeth Amélie Eugénie, Impératrice d’Autriche, Reine de Hongrie, en se servant contre elle d’un instrument piquant, de forme triangulaire et allongée, avec cette circonstance que cet homicide a été commis avec préméditation et guet-apens.
Crime d’assassinat prévu et puni par les articles 83.84.249.251 et 252 du Code pénal. Le Procureur Général, après un nouvel examen de la procédure déclare :
Le 30 avril 1898, S.M.l’Impératrice d’Autriche, Reine de Hongrie qui revenait des eaux de Nauheim, arrivait au grand Hôtel de Caux, souffrante depuis un certain temps, elle attendait de son séjour en Suisse, le rétablissement de sa santé; elle était accompagnée de plusieurs dignitaire de sa Cour, mais voyageait strictement incognito sous le nom de Comtesse de Hohenembs.
Ainsi que ce fût le cas lors de ses précédents séjours, dans le Canton de Vaud, elle désira se rendre à Genève, spécialement dans le but de visiter Mme la Baronne de Rothschild, a qui elle manifesta son intention, par lettre le jeudi 8 septembre.

Le vendredi 9, à une heure de l’après midi, S.M. débarquait au Quai du Mont-blanc, et se faisait conduire, immédiatement, à Pregny, chez Madame la Baronne de Rothschild; elle passa la majeure partie de l’après midi en sa compagnie; elle revint à Genève à 6 heures, à l’Hôtel Beau Rivage, où ses appartements avaient été préparés, dans la soirée, elle sortit à pied avec sa dame d’honneur, Madame la Comtesse de Sztaray, traversa la ville, alla jusqu’à la place Bel Air et au Boulevard du théâtre, visita plusieurs magasins et regagna, ensuite, son hôtel aux environs de neuf heures.
Le Samedi 10 septembre, l’impératrice et la Comtesse Sztaray sortirent de nouveau de l’hôtel vers 11 heures, visitèrent encore divers magasins et, après une courte promenade, rentrèrent à l’hôtel Beau Rivage à 13h15.
Devant s’embarquer pour Territet sur le bateau « Le Genève », qui partait à 13h40, elles quittèrent définitivement l’hôtel à 13h30 et se dirigèrent sur le trottoir qui longe le lac, l’Impératrice se trouvant à droite; lorsqu’elles arrivèrent à peu près à la hauteur de l’hôtel de la Paix, un individu, qui c’était accoudé sur la barrière du lac, s’avança vers l’Impératrice en courant, se baissa, comme s’il voulait regarder sous son ombrelle, et lui porta un coup, en pleine poitrine, avec une rapidité telle, que nul n’observa qu’il tenait une arme à la main; la violence du choc terrassa l’Impératrice.
Aidée de la Comtesse Sztaray et d’un assistant, elle se releva. Debout, elle désira marcher seule et continuer sa route jusqu’à l’embarcadère; à une question de sa dame d’honneur qui lui demandait si elle souffrait, elle répondit : « Je ne sais pas, je crois que j’ai mal à la poitrine ! »

A peine arrivée sur le bateau, S.M. eût une syncope et resta quelques minutes sans connaissance; nul ne songeait, alors, à la gravité de l’évènement qui venait de se produire; le bateau partit; l’Impératrice revint à elle et prononça même ces mots « Que m’est-il arrivé », elle perdit de nouveau connaissance et son état s’aggrava assez rapidement, à ce moment le bateau était sorti de la rade et se trouvait à la hauteur de la Campagne Péantamour à Sécheron, il fût décidé de faire machine en arrière et d’aborder au débarcadère des Pâquis, le plus voisin de l’hôtel Beau Rivage; le bateau aborda; entre temps, une civière avait été improvisée au moyen de deux rames réunies par des pliants.

C‘est ainsi que l’Impératrice fût transportée à son hôtel; quelques minutes après, elle expirait en présence de Madame la Comtesse Sztaray, de Mme Meyer, directrice de l’hôtel et de M. le Docteur Golay, qui avait été mandé dés que l’on vit le bateau revenir en arrière.

A la nouvelle du décès de S.M., une consternation profonde s’empara de tous les habitants de notre ville, Magistrat et citoyens manifestèrent, spontanément, leur horreur pour le crime infâme qui venait de se commettre et leur sympathie envers ceux qu’il atteignait directement.

L‘agresseur de l’Impératrice, aussitôt après l’avoir frappée, s’était enfui dans la direction de la rue des Alpes, il fût poursuivit par plusieurs témoins de son acte; lorsqu’il arriva à la hauteur du N°5 de la rue des Alpes, il se trouva en présence de Me Rouge aiguilleur à (??), qui venait en sens inverse et étendit les bras pour lui barrer le passage; M.M. Chammartin, électricien, Willemin, cocher, puis Fraux, cocher, qui le poursuivaient et étaient sur le point de l’atteindre, prêtèrent, alors, main-forte et le maintinrent en état d’arrestation, tandis qu’il cherchait à se dégager de leur étreinte. Conduit au Poste de la police des Pâquis, il chantonnait en route, il fût ensuite conduit au Palais de Justice.

Interrogé, il déclara se nommer Luigi Lucheni, être arrivé à Genève le 5 septembre, venant de Lausanne, ou il séjournait depuis le 20 mai et s’être rendu à Genève dans le but de tuer le Prince d’Orléans dont les journaux, disait-il, avaient annoncé la présence; ne l’ayant pas trouvé, Lucheni se serait rendu à Evian, le Mercredi 7, dans l’espoir de l’y rencontrer, déçu sans cet espoir, il serait revenu, le lendemain, à Genève, résolu à attendre, pour le frapper, quelque personnage de marque.
Il apprit dit-il par les journaux du Vendredi 9, que l’Impératrice d’Autriche était descendue à l’Hôtel Beau Rivage, il se mit alors en surveillance dans les rues environnant cet hôtel et ne cessa sa surveillance que pour aller prendre ses repas.

Le Samedi 10, à 13h30, il vit le valet de chambre de l’impératrice se rendre au bateau; connaissant sa Majesté pour l’avoir vue dit-il, à Buda-Pesth en 1894, il se plaça sur le parcours qu’elle devait suivre et, lorsqu’elle fût à sa portée, il s’élança et la frappa au cœur, avec une lime triangulaire qu’il avait achetée, quelques jours auparavant, à Lausanne, dans le but de commettre un attentat; il savait, a-t-il dit, qu’une telle arme occasionnait une blessure des plus dangereuses; « en frappant, ajouta t’il , j’ai eu le sentiment que l’arme pénétrait profondément et que l’Impératrice devait mourir ».
Il reconnût, ensuite, s’être enfui après le crime et s’être débarrassé de son arme. Au cours de son interrogatoire, le téléphone annonça que l’Impératrice venait d’expirer; dés que cette nouvelle fût portée à sa connaissance, Lucheni manifesta une grande joie. Il avoua être anarchiste et avoir agi avec préméditation, dans un but exemplaire, pour faire avancer la cause anarchiste; il nia catégoriquement avoir des complices.

Dés que le décès de l’Impératrice leur eût été annoncé, le Procureur Général et le Juge d’Instruction se rendirent à l’Hôtel Beau Rivage, accompagnés de M. le Docteur Mégevand, requis pour procéder à l’examen de la blessure et, le cas échéant, à une autopsie partielle, ces Messieurs furent rejoint plus tard par M. le Professeur Reverdin, puis par M. le Professeur Gosse, qui devait collaborer avec M. le Docteur Méquevand. Une autopsie partielle fût reconnu indispensable et il fût décidé qu’il y serait procédé le lendemain.
S.M. l’Empereur d’ Autriche avait, dans l’intervalle, été prévenu de cette nécessité et déclarait, par dépêche, s’en remettre aux décisions des Magistrats Genevois.
L’autopsie révéla l’existence d’une plaie triangulaire, occasionné par un instrument allongé et piquant, qui avait fissuré la 4e côte dans toute son épaisseur et,  en pénétrant avait déchiré le péricarde et traversé, de part en part, le ventricule gauche du cœur.
La mort était indiscutablement consécutive à ces lésions, l’écoulement progressif du sang, ayant arrêté les fonctions du cœur.
Deux heures après le crime, la concierge du N°3 de la rue des Alpes ramassait, à l’entrée de l’allée de sa maison, une lime triangulaire grossièrement emmanchée.
Si l’on observe qu’elle fût trouvée sur le passage de Lucheni lorsqu’il fuyait, que celui ci ne portait aucune autre arme lors de son arrestation, que dés son premier interrogatoire, soit plus , une heure auparavant, il en avait fait la description; si l’on observe encore que cette lime correspond aux lésions constatées, qu’exhibée à Lucheni, il la reconnût et, qu’en outre, un nommé Martinelli arrêté et complice de Lucheni, déclara l’avoir vue en sa possession à Lausanne et l’avoir emmanchée sur sa demande, il est hors de doute que, malgré toutes les suppositions qui se sont produites, telle est l’arme qui a causé la mort de l’Impératrice; si elle ne présente pas de traces de sang perceptibles, ce qui serait, scientifiquement explicable, c’est qu’elle ne fut remise à la Justice que le Dimanche 11 seulement, après avoir passé en plusieurs mains, la concierge qui l’avait trouvée ayant cru qu’il s’agissait d’un outil égaré par une personne qui déménageait.

Lucheni s’est défendu avec énergie d’avoir des complices; cependant, et bien que nulle participation effective d’un complice n’ait été démontrée, il est possible que l’acte qu’il a commis ne soit pas le fait d’une conception purement individuelle, il a, en tous cas, dans cette conception la part la plus large, il est l’initiateur principal et l’exécuteur direct de son acte, mais, certaine réticences de sa part et d’évidentes inexactitudes de son récit, donnent à penser que Lucheni a beaucoup à dissimuler, et, comme ce n’est point pour lui même, puisqu’il ne s’épargne nullement dans ses déclarations, ce ne peut être qu’en faveur d’autrui.

 


ÉLISABETH d'Autriche
"Sissi"
24 décembre 1837 - 10 septembre 1898