Au début de la
Révolution française, une épreuve de force s’engage entre les représentants du
tiers état d’une part, le roi et les ordres privilégiés d’autre part. La réunion des premiers
états généraux depuis 1614 suscite d’immenses espoirs dans la bourgeoisie pétrie des idées des
Lumières. Elle espère des réformes profondes qui lui permettront d’accéder au pouvoir :
souveraineté nationale, fin de la
société d’ordres,
égalité devant l’accès aux emplois publics, grandes libertés, garanties
judiciaires. Le désenchantement est à la mesure de ces attentes. Le roi
ne semble se préoccuper que de réformes fiscales. Le tiers état sait
qu’il ne pourra faire triompher ses vues que si l’ancestrale
organisation des états généraux est modifiée. Traditionnellement, chaque
ordre possédait une voix. Il y avait donc deux voix pour les
privilégiés, et une pour les non-privilégiés qui représentent à l’époque
97 % de la population française. Le tiers état et les députés
réformistes de la noblesse et du clergé réclament le vote par tête. Si
chaque député dispose d’une voix, tout parait possible.
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Le 6 mai 1789, les députés du tiers état aux
états généraux
refusent de se réunir séparément des représentants des deux autres
ordres. Après un mois de discussion et de négociation, ils décident de
prendre l’initiative en invitant leurs collègues à se joindre à eux pour
une vérification bailliage par bailliage des pouvoirs des élus des
trois ordres. Le 16 juin, dix élus du clergé répondent à leur nom lors
de l’appel quotidien. Les députés du tiers sentant leur heure venue,
adoptent le 17 juin une motion faisant d’eux l’Assemblée nationale, la
seule à pouvoir consentir l’impôt. Les députés du clergé,
majoritairement de simples curés, soutiennent ce coup d’État sans
violence et décident le 19 juin de se joindre à eux. L’heure du triomphe
semble proche.
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Louis XVI
décide alors de résister. Il prévoit de réunir, le 22 juin, les députés
des trois ordres lors d’une séance royale où il casserait toutes les
décisions du Tiers. En attendant, il lui faut empêcher tout débat et
toute nouvelle décision. Le
20 juin 1789,
sous prétexte de réparations à faire pour la prochaine séance, les
gardes interdisent aux députés du tiers état l’accès à la salle de l’
hôtel des Menus Plaisirs, où se tenaient les états généraux.
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Les députés se réunissent alors dans la
salle du Jeu de paume, à
Versailles. Aidé par le député
Jean-Joseph Mounier, l'abbé
Emmanuel-Joseph Sieyès s’empresse de rédiger la célèbre formule du serment du Jeu de paume,
« de
ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances
l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du royaume soit établie et
affermie sur des fondements solides ». Ce texte est lu par
Jean-Sylvain Bailly.
Il ne s’agit rien moins que d’emporter la décision des hésitants et de
les contraindre en quelque sorte à aller de l’avant. Ce serment est voté
à l’unanimité moins une voix, celle de
Martin-Dauch de Castille.
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Le 23 juin, le tiers montre sa volonté de tenir son serment. Prenant
la parole devant l’Assemblée, Louis XVI casse les décisions du tiers et
interdit aux trois ordres de siéger en commun. Il promet pourtant
quelques réformes (égalité devant l’impôt, abolition de la taille, des
corvées, des lettres de cachet, etc.) et conclut en enjoignant aux
représentants de se retirer.
Le souverain parti, les gardes semblent vouloir disperser par la
force les députés du Tiers qui refusent d’obéir. Quelques députés de la
noblesse, dont
La Fayette mettent la main à l’épée. C’est à ce moment que
Mirabeau aurait prononcé la fameuse phrase, dont plusieurs versions existent:
« Allez
dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du
peuple et que nous ne quitterons nos places que par la force des
baïonnettes ! »
Le roi capitule.
« Eh bien, dit-il, s’ils ne veulent pas s’en aller, qu’ils restent ! » Le 27 juin, il ordonne aux privilégiés des deux autres ordres de se joindre au tiers, en une chambre.
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Jean-Baptiste-Pierre Bevière (1723-1807) est célèbre pour avoir rédigé le serment du Jeu de Paume. Constituant rallié à l’
Empire, il est enterré au
Panthéon.
« L'Assemblée nationale, considérant qu’appelée à fixer la
constitution du royaume, opérer la régénération de l’ordre public et
maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher
qu’elle continue ses délibérations dans quelque lieu qu’elle soit forcée
de s’établir, et qu’enfin, partout où ses membres sont réunis, là est
l’Assemblée nationale ;
Arrête que tous les membres de cette assemblée prêteront, à l’instant,
serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où
les circonstances l’exigeront, jusqu’à ce que la Constitution du
royaume soit établie et affermie sur des fondements solides, et que
ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d’eux en
particulier confirmeront, par leur signature, cette résolution
inébranlable.
Lecture faite de l’arrêté, M. le Président a demandé pour lui et pour
ses secrétaires à prêter le serment les premiers, ce qu’ils ont fait à
l’instant ; ensuite l’assemblée a prêté le même serment entre les mains
de son Président. Et aussitôt l’appel des Bailliages, Sénéchaussées,
Provinces et Villes a été fait suivant l’ordre alphabétique, et chacun
des membres présents [en marge] en répondant à l’appel, s’est approché du Bureau et a signé.
[en marge] M. le Président ayant rendu compte à l’assemblée que le
Bureau de vérification avait été unanimement d’avis de l’admission
provisoire de douze députés de S. Domingue, l’assemblée nationale a
décidé que les dits députés seraient admis provisoirement, ce dont ils
ont témoigné leur vive reconnaissance ; en conséquence ils ont prêté le
serment, et ont été admis à signer l’arrêté.
Après les signatures données par les Députés, quelques uns de MM. les
Députés, dont les titres ne sont pas [….] jugés, MM. les Suppléants se
sont présentés, et ont demandé qu’il leur fût permis d’adhérer à
l’arrêté pris par l’assemblée, et à apposer leur signature, ce qui leur
ayant été accordé par l’assemblée, ils ont signé.
M. le Président a averti au nom de l’assemblée le comité concernant
les subsistances de l’assemblée dès demain chez l’ancien des membres qui
le composent. L’assemblée a arrêté que le procès verbal de ce jour sera
imprimé par l’imprimeur de l’assemblée nationale.
La séance a été continuée à Lundi vingt-deux de ce mois en la salle
et à l’heure ordinaires ; M. le Président et ses Secrétaires ont
signé. »
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